Y a t-il au Bénin et sur le Continent africain, des biens et éléments patrimoniaux? Comment sont-ils gérés? Et quelle place leurs a t-on donnés dans la construction d'un Etat-Nation béninois et d'un Continent africain fort, prospère et moderne? Telles sont les questions essentielles qui sont posées dans chaque page de ce blog initié pour contribuer à l'amélioration des pensées et actions de gestion culturelle orientée vers le bien-être culturel, social, économique et politique des citoyennes et citoyens du Bénin et de l'Afrique.
13 Septembre 2018
Les musées du Bénin: la logique d'une patrimonialisation étatique
En 2019, à la prochaine Conférence générale du Conseil International des Musées (ICOM) à Kyoto, la révision de la définition du terme musée est un sujet à l'ordre du jour. Mais avant, les statuts de cette institution internationale, adoptés lors de la 22ème Assemblée générale à Vienne (Autriche), le 24 août 2007, nous permettent de retenir que le "musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation".
Le musée est un équipement culturel majeur de toute politique culturelle. Il représente au regard de son statut, de son organisation, de ses attributions, des publics qui le visitent, une réalité à découvrir. Cela est certainement évident dans un environnement béninois profondément déterminé depuis 2016 par une grande ambition. Le tourisme et par ricochet la culture y sont placés sous le feu de la rampe. Ils sont bonifié et fortement au cœur des pensées, des décisions et des actions. Il s'agit d'une volonté politique exprimée dans le Programme d'Actions du Gouvernement (PAG). Ce dernier représente un outil de gouvernance sociale, politique, économique et culturelle. Il projette indirectement la problématique de la restitution des biens culturels du Bénin comme une source de motivation et d'action. Il propose aussi, un contenu riche en innovation et en créativité muséale avec un point de mire: la construction de nouveaux musées modernes. Nous découvrirons ces infrastructures muséales de types nouveaux après avoir un aperçu sur le monde actuel des musées au Bénin.
L'état des lieux sur les équipements culturels muséaux présente deux types de Musées au Bénin. Il y a les musées publics et les musées privés. Ils sont répartis sur toute l'étendue du territoire malgré la forte concentration de cette infrastructure au sud. Il existe huit (8) musées publics. Achile G. Zohoun spécialiste de la gestion du patrimoine et paysages culturels les énumère : le Musée historique d’Abomey situé sur les sites des palais royaux d’Abomey, le Musée d’histoire de Ouidah, le Musée ethnographique Alexandre Senou Adandé, le Musée Honmè de Porto-Novo, le Musée plein air de Parakou, le Musée Danri de Nikki, le Musée régional de Natitingou (photographie de chef traditionnel, 8- Musée Régional de Kinkinhoué.
Globalement, ces équipements culturels sont générés par la décolonisation et leur mise en place se situe à la période des indépendances. Ils font objet de projets culturels et scientifiques, de collections qui abordent dans une exhaustivité relative, les faits, les pratiques, la conception du monde des civilisations et des peuples de l'actuel Bénin (communautés regroupées sur le territoire hérité de la balkanisation de l'Afrique en …). Les musées publics du Bénin présentent donc à ces visiteurs, des collections témoignant de l'histoire des Peuples et ethnies tels que les fons, les yorubas, les adjas, les Otammaris, les Baribas... Ils abritent aussi des objets issus des fouilles archéologiques effectuées par des universitaires dans le cadre des recherches et coopérations scientifiques. Ainsi, au Musée d'histoire de Ouidah, sont exposés des objets découverts par les fouilles archéologiques sur le site du royaume de Sahè, actuel Savi... En ce qui concerne le Musée régional de Natitingou, le directeur Joseph TOUMOUDAGOU révèle qu’on y retrouve « les représentations des Tata somba, les objets relatifs aux cérémonies de naissance, d'initiation et d'inhumation des populations de cette région ».
| Statut | Dénomination | Localisation | Collections et Thématiques |
|---|---|---|---|
| Public | Musée historique (sites des palais royaux d’Abomey) | Abomey dans le Zou | héritage politique des royaux de Danhomey |
| Public | Musée d’histoire | Ouidah dans l'Atlantique | La traite négrière et le royaume de Sahè |
| Public | Musée ethnographique Alexandre Senou Adandé | Porto-Novo dans l'Ouémé | Divers reliues des cultes traditionnels, de Guèlèdè... |
| Public | Musée Honmè | Porto-Novo dans l'Ouémé | Héritage du royaume de Adjatchè |
| Public | Musée plein air | Parakou dans le Borgou | Héritage des communautés Bariba... |
| Public | Musée Danri | Nikki dans l'Alibori | Héritage du royaume de Nikki |
| Public | Musée régional de Natitingou | Natitingou dans l'Atacora | Héritage architectural (Tata Somba) et des communautés otammari |
| Public | Musée Régional de Kinkinhoué | Kinkinhoué dans le Couffo | Héritage sur la chefferie de la localité |
| Privé | Musée de la Fondation Zinsou | Ouidah dans l'Atlantique | Arts contemporain |
| Privé | Musée da Silva | Porto-Novo dans l'Ouémé | Héritage des familles autochtones de Porto-Novo |
| Privé | Musée de la Villa Karo | Grand-Popo dans le Mono | Divers objets |
| Autre (en projet) | Musée des vodoun non masqués | Ouidah, dans l'Atlantique | A déterminer |
| Autre (en projet) | Musée des arts et civilisations vodoun/orisha | Porto-Novo dans l'Ouémé | A déterminer |
| Autre (en projet) | Musée de la traite négrière | Ouidah dans l'Atlantique | A déterminer |
| Autre (en projet) | Musée de l’épopée des rois du Bénin | Abomey dans le Zou | A déterminer |
| Autre (en projet) | Musée de la résistance et mémoire sur Toussaint Louverture | Allada dans l'Atlantique | A déterminer |
Par ailleurs, on retrouve au Bénin, des musées privés. Ils sont en nombre très infirme. On les retrouve à Ouidah, avec le musée de la Fondation Zinsou qui expose de collections sur les arts contemporains, à Porto-Novo, avec le musée Da Silva qui offre à ses visiteurs, des objets sur l’histoire du royaume de Porto-Novo et à Grand-Popo avec le musée de la Villa Kar oui présente des collections sur la civilisation popo. Certaines tentatives de mise en place de musées privés n’ont pas durée dans le temps. Avortées, elles ont favorisé des musées qui ont fermé les portes. C’est le cas des musées Avimandjè de Ouidah et de « Kuduoku » de Boukoumbé.
Qu’ils soient publics ou privés, les musées du Bénin sont organisés et gérés avec une efficacité relative qu’il importe d’apprécier. L’organisation et la gestion des musées publics sont soumises aux dispositions contenues dans un arrêté ministériel portant définition du cadre général de fonctionnement et de gestion des musées en république du Bénin. Cet acte juridiquement administratif est encore un projet en cours d’adoption au niveau du ministère en charge de la culture. Il comporte une cinquantaine d’articles répartis en cinq titres. Le premier, traite des dispositions préliminaires, le second des missions, de l’organisation et du fonctionnement, le troisième de la gestion et de la mobilisation des ressources, le quatrième des structures annexes et de la coopération, le cinquième des autres types de musées.
Les articles 9, 10 et suivants précisent d’une part, le statut juridique d’un musée national (services déconcentrés de la Direction du Patrimoine Culturel) et d’autre part les ressources humaines (conservateur assisté d’un adjoint et des chefs de département ou division) à qui sa gestion est confiée. Le conservateur est le premier responsable qui gère un musée national. Il doit être un spécialiste, de formation universitaire dans le domaine du patrimoine culturel, de la muséographie… et de catégorie A. On retient de ces dispositions que chaque musée national est organisé autour de quatre structures de gestion. Il s’agit des départements ou divisions, muséologique, des espaces et bâtis, des ressources humaines, matérielles et financières et enfin des relations avec le public. De plus chaque musée national dispose d’un conseil de gestion dont les membres proviennent du secteur public que du secteur privé. A cela s’ajoute un comité technique de gestion. Il s’observe à la lecture de ces dispositions règlementaires que les musées nationaux du Bénin sont d’un organigramme fourni en compétences et ressources humaines auxquelles des responsabilités précises sont confiées. L’implication des communautés à la base (Mairie et les populations organisées en association) au niveau du conseil de gestion est une innovation à féliciter. C’est dire que sur la base de ce projet d’arrêté du ministère en charge de la culture, il y a au Bénin, une dynamique de modernisation des musées nationaux. Elle apportera une énergie d’efficacité et de performance à ces équipements culturels qui seront renforcés grâce à la concrétisation du projet de construction des cinq musées prévus dans le programme d’actions du gouvernement. Des études sont effectuées, les maquettes réalisées et les travaux en phase de démarrage pour faire des villes de Ouidah, de Porto-Novo, d’Allada et d’Abomey, des sièges d’accueil de cinq musées modernes portant sur les vodoun non masqués, les arts et civilisations vodoun/orisha, la traite négrière, l’épopée des rois du Bénin, la résistance et mémoire… Un montant colossal d’environ mille milliards est prévu pour la réalisation de cet ambitieux projet d’infrastructures culturelles au Bénin.
Si l’on peut dire que de nouveaux jours et certainement radieux se peaufinent à l’horizon pour le tourisme et les équipements culturels béninois, il est justifié de constater qu’au fond, en prenant en compte le nombre, les modes d’organisation et de gestion, une logique de patrimonialisation étatique caractérise le monde muséal du Bénin.
Quelques propositions pour la performance de la patrimonialisation étatique du monde muséal béninois
Les musées du Bénin peuvent apporter une contribution substantielle au développement social, économique, politique et culturel de ce pays situé en Afrique de l’ouest et ouvert sur l’océan atlantique. Cette possibilité est conditionnée à une amélioration du système d’organisation et de gestion qui caractérisent la vie et le monde des musées béninois. Cette amélioration dont dépend la performance de la patrimonialisation étatique des musées béninois tourne autour de cinq propositions principales.
La première proposition se résume à l’Adoption et l’opérationnalisation de la logique de labélisation au détriment de l’option de patrimonialisation étatique. La labélisation des musées du Bénin sous-entend l’efficacité et l’efficience dans la gestion de ces équipements culturels. Il serait question de la référence et de l’exemplarité des musées du Bénin dont l’organisation et la gestion inspirent considération, admiration et intérêt. Certes que l’arrêté ministériel aborde la question en son article qui dispose qu’un système de label est institué pour distinguer les institutions muséales du Bénin. Mais, il y aura de label en la matière s’il est pris en compte, la qualité et la quantité des mesures prises pour doter les musées béninois non seulement d’un personnel et nombre adéquat, compétent, bien formé et constamment recyclé, mais aussi des matériels et équipements appropriés, favorables à une bonne exposition des collections, à la sécurisation de l’institution, à une bonne et fluide information des visiteurs. Tout ceci auréolé par une dotation annuelle de ressources financières conséquentes. Ce sont ces défis relevés qui permettront de consacrer un jour, le label musée du Bénin comme c’est le cas en France. Dans ce pays de l’Europe ayant colonisé le Bénin, les musées sont régis par la loi du 4 janvier 2002 intégrée au code du patrimoine du 24 février 2004. Ce sont principalement ces instruments juridiques qui ont instauré une pratique des musées et dont le respect a permis la mise en place du label « musée de France ». Ce label est une habilitation, une référence dont l’acquisition permet à un musée de bénéficier du conseil, et de l’expertise des services de l’Etat. On ne peut s’empêcher de rêver de ce label si l’on considère l’état actuel des musées nationaux du Bénin. Ils sont pour la plus part considérablement limités en ressources humaines qualifiées et compétentes. Ils sont très faiblement dotés de ressources financières affectées annuellement par l’Etat central… En conséquence, le déficit de ressources financières et humaines provoque un défaut caractérisé de performance des musées du Bénin. Ils sont pour la plus part animés avec des expositions d’une permanence incommode, parfois de plus de vingt ans. Pire les risques naturels (inondation, poussière, vent) et anthropiques (feu, vol, vandalisme) sont les quotidiens de ces musées abandonnés à leur triste sort.
Ce sont ces réalités inquiétantes qui, au préalable, méritent d’être corrigées par le système de labélisation pour que progressivement, il soit mise en place comme une conditionnalité pour l’avènement, la création et la gestion de toute institution muséale.
La deuxième proposition met en exergue l’assistance nécessaire que l’Etat se doit d’apportée aux communes pour susciter et/ou favoriser la création des musées communaux. Le Bénin est composé de soixante-dix-sept communes réparties dans les douze départements. La loi 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en république du Bénin prévoit en ses articles 100 (la réalisation des infrastructures publiques culturelles) et 103(la conservation du patrimoine culturel local) la compétence des communes en matière muséale. Fondé par le fait que chaque commune du Bénin dispose, des biens et éléments patrimoniaux d’une richesse exceptionnelle, les Communes comme l’Etat ont un intérêt à ce qu’il y ait davantage de musées sur le territoire béninois. A cet effet, il est fortement recommandé à chaque commune et surtout à chaque regroupement de communes de réaliser des équipements culturels notamment le musée thématique. L’Etat doit les aider à réaliser cela à défaut de transférer la paternité des musées nationaux aux collectivités locales après les travaux de construction.
La troisième proposition est une invitation insistante adressée aux acteurs du secteur muséal. Elle porte sur l’application effective et sans complaisance, ni motivation politicienne des dispositions de l’arrêté ministériel dont nous avons exposé certains articles. Cet instrument réglementaire est une arme pertinente qui peut assurer une certaine performance à l’organisation et à la gestion des musées du Bénin. Mais il doit être renforcé par les outils techniques, déontologiques et/ou juridiques établis par l’ICOM et l’UNESCO. On reproche souvent aux décideurs béninois leur faiblesse de respecter et/ou d’appliquer les lois dont ils ont souvent l’ingéniosité d’élaborer. Le succès du PAG et les chances accordées pour le développement durable des communes du Bénin ne peuvent se conjuguer sans le maintien d’une cohérence évidente et de l’attention apportée à l’application des lois relatives aux musées.
La quatrième proposition évoque l’idée pragmatique liée à toute action confiée à une organisation humaine : une mission, des moyens. Au regard des missions et des attributions qui lui sont confiées, l’institution la plus importance du système établi pour assurer la bonne gestion du patrimoine culturel du Bénin en général et celle des musées du Bénin en particulier est la Direction du Patrimoine Culturel (DPC). Selon Happy Goudou, journaliste et gestionnaire du patrimoine culturel, cette direction représente le parent pauvre du ministère en charge de la culture au Bénin. Il précise : « depuis plusieurs décennies, elle est annuellement dotée d’un très faible budget. C’est une direction profondément limitée en ressources humaines qualifiées. Les équipements dont elle dispose pour accomplir avec efficacité ses actions sont inappropriés et laissent à désirer ». Dans cette situation la DPC doit être renforcée aux plans des ressources humaines, des ressources matérielles et des ressources financières.
Au 21ème siècle, il est difficile de concevoir un musée sans équipement informatique performants et fonctionnel. C’est pourtant la triste réalité dans les musées nationaux au Bénin. L’ordinateur en bon état de fonctionnement est la chose la moins partagée dans ce monde. Pourtant tout se numérise dans le monde actuel. Face à la nécessité de la numérisation des collections, de la constitution des bases de données sur les collections, les visites, les recettes…, d’une une urgence d’associer les TIC à la gestion et de promotion des musées nationaux du Bénin
La renaissance est solution inévitable, mieux, un processus thérapeutique à instaurer au cœur des musées nationaux du Bénin. Ceux-ci ont besoin d’être libérés des rhumes qui étouffent sa respiration et des faiblesses qui entravent sa performance. La prise en compte de es modestes propositions qui ne peuvent se targuées le privilège d’être exhaustive peut s’avérer un début de solution face à cette situation que l’on peut à juste titre qualifier de crise muséale.
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